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comme la raison des choses et l’essence même de l’histoire. Mais qu’en se détournant des événements, qui se sont produits dans leur ordre de temps et d’espace, on se mette résolument à nous donner les propres considérations de son esprit sur des époques aussi complexes et aussi discutées encore que l’ancien Régime et la Révolution française, il faut se croire, pour le moins, de la race intellectuelle de Machiavel ou de Montesquieu. Et quand nous citons ces noms célèbres, nous les prenons au poids circulant de leur gloire, car pour nous ils ne valent, ni comme publicistes ni comme historiens, le haut prix de leur renommée. Machiavel et Montesquieu ne sont guères que des écrivains. Ils ont séduit la gloire par le style et ils l’ont trompée. Otez le style, que reste-t-il de ces grands hommes ? Vous les emportez tout entiers !

Mais, quelle que soit leur valeur absolue, Tocqueville, illusion ou réalité, est-il le Machiavel ou le Montesquieu de notre siècle ? Son livre : L’ancien Régime et la Révolution[1], justifie-t-il les prétentions qu’il accuse ? L’ancien Régime et la Révolution sont-ils enfin jugés souverainement et de manière à ce qu’on n’ose plus y revenir ? L’auteur a-t-il enfin donné le mot de ces deux ordres de choses, dont l’un a fini l’autre en le brisant ? Après lui, n’y a-t-il plus qu’à répéter ce qu’il a dit ? Et sans même aller si loin, sans

  1. Lévy