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Cochut ne manque point de talent, et même d’esprit, d’un esprit qui est au talent comme la mousse est au vin, qui le rend plus piquant et qui le couronne. Il est connu par des travaux très renseignés sur des questions économiques, la plupart anglaises, et son livre sur Law montre qu’il est fait pour mieux que pour jauger des chiffres et comparer des statistiques. Il y a là de la tenue d’écrivain, de l’élégance, de la netteté, et souvent une fine ironie, toutes choses excellentes, mais qu’il faudrait utiliser dans une composition plus vaste qu’une simple et courte monographie. L’abbé Galiani disait : « Il y a des États qui ne sont jolis que dans leur décadence. » Le petit médaillon historique de Law, peint par Cochut, est un livre de ces sortes d’États à leur déclin, ce qui ne veut pas dire, du reste, que nous soyons le moins du monde « jolis » en tombant comme nous le faisons. Nous étions « jolis » peut-être du temps de Galiani, mais à présent nous sommes prosaïques et affreux. Ce qui fut la grâce française manque à notre chute. Par suite de ses préoccupations d’économiste, sans doute, Cochut a voulu surtout tracer l’idée nette du système, et il l’a pris à part, l’isolant de tous les faits généraux et ne l’expliquant que par l’état où les prodigalités de Louis XIV avaient mis les finances et la monarchie ; et, pour parler la langue économique, il s’est très bien tiré de ce dix-huitième d’épingle historique. Mais, selon nous, la division du travail ainsi