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sont que des portraits de race, — d’une race de guerre forte comme le Nord, dont ils sont les fils ; mais il n’y a guères plus de différence entre eux que de lion à lion ou d’aigle à aigle. L’un est plus robuste que l’autre, plus râblé, plus atroce de regard ou de griffe, mais c’est toujours la même physionomie générale, avec des nuances plus ou moins foncées dans la fougue ou dans la fierté.

Regardez-les attentivement ! Depuis le maréchal Christophe-Jean, qui fut le fondateur de cette dynastie romanesque et un peu brigande des Kœnigsmark, jusqu’à ce comte Charles-Jean qui, au XVIIe siècle, se, battit contre les Turcs sur un vaisseau qui sauta, et, après avoir sauté avec le vaisseau, revint à la nage se battre encore, exploit à la Roland pour lequel l’ordre de Malte le fit chevalier, quoiqu’il fût protestant, — par un crime d’admiration que la gloire même n’excuse pas, — vous n’avez jamais en tous ces hommes qu’un type connu, le type des héroïques soudards de la guerre de Trente Ans, de ces derniers capitaines d’aventure dont le casque a rayonné sur les champs de bataille du monde. L’individualité de la race prime en eux et étouffe l’autre et véritable individualité. Sans le portrait du dernier de tous, — de celui en qui s’écroula si affreusement cette maison, bâtie avec le mortier du sang et l’or des pillages, — on ne s’arrêterait, soyez-en sûr ! devant aucun de ces visages rongés déjà, effacés par deux siècles, pas même devant celui