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a appris le latin dans Richter et dans Voltaire. Ce penseur à moitié de pensée et à deux réminiscences, sait bien ce qui manque à la Russie ; il sait aussi ce qui lui manque, à lui ! Même à ses yeux, la Russie n’a de personnalité que quand elle est absente. Les Russes ne seraient donc russes que par nostalgie, ou par vanité devant l’étranger ? Il dit positivement, dans sa confession d’auteur : « Les Russes ne se parlent qu’à l’étranger ; en Russie, ils ne s’adresseraient pas une parole ». Est-ce la vérité ? Mais ce fait de n’être jamais que négativement et non pas affirmativement Russe, ce fait l’empêche, lui, d’être inventeur, comme les autres talents russes, qui ont toutes les puissances de l’esprit excepté l’invention, la seule chose qui s’affirme et qu’on n’imite pas. De l’invention imitée, en effet, ne serait plus de l’invention, tandis que du style imité, c’est encore du style.

Du reste, cette tête indigente avoue très bien sa pauvreté : « Je n’ai jamais écrit d’imagination », dit-il. Et plus loin : « J’avais besoin pour travailler d’infiniment plus de notions qu’un autre ». Et voilà qu’après avoir confessé son indigence intellectuelle, il se fait mendiant hardiment en sa Correspondance et quête, pour finir son livre, aux renseignements et aux détails. Manière de travailler qui, seule, le classerait à un rang presque subalterne ; car l’Inspiration n’a pas pour procédé de tendre la main, quand cette main est celle du talent, ou le chapeau, qui est plus