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pour Aimée de Spens, devant qui toutes les autres, si radieuses fussent-elles, s’effaçaient comme un brouillard de rivière devant le soleil. Aimée de Spens était de beaucoup la plus jeune de nous toutes. Elle avait seize ans quand nous en avions trente. C’était une enfant, mais tellement belle, monsieur de Fierdrap, qu’excepté ce cœur de brochet, le chevalier Des Touches, il n’y eut peut-être pas un seul des hommes de cette époque qu’il la vît sans l’aimer, cette Aimée la bien-nommée, comme nous l’appelions ! Du moins les onze gentilshommes de l’expédition des Douze, puisque le douzième est une femme, votre servante, baron de Fierdrap ! avaient-ils tous pour elle une passion romanesque et déclarée, car tous, les uns après les autres, ils avaient demandé sa main !

— Quoi ! ils l’ont aimée tous les onze ! dit le baron, qui partit comme une bonde à ce trait, frappé de ce détail singulier dans une histoire où les événements étaient aussi étonnants que les personnages.

— Oui, tous, baron ! reprit mademoiselle de Percy, et les sentiments inspirés par elle ont plus ou moins duré en ces âmes fortes. Quelques-uns d’entre eux sont restés amoureux et fidèles. Vous vous en étonneriez peu, du reste, si vous aviez connu l’Aimée de cette époque,