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Êtes-vous quelquefois allé à Touffedelys, monsieur de Fierdrap ?… Vos domaines, à vous, n’étaient pas de ce côté, et de ce pauvre château ruiné, il ne reste pas maintenant une seule pierre ! C’était un assez vaste manoir, autrefois crénelé, un débris de construction féodale, qui pouvait abriter une troupe nombreuse entre ses quatre tourelles, et dont les environs étaient couverts de ces grands bois, le vrai nid de toutes les chouanneries ! qui rappelaient par leur noirceur et les dédales de leurs clairières, ce fameux bois de Misdom où le premier des chouans, un Condé de broussailles, Jean Cottreau, avait toute sa vie combattu. Situé à peu de distance d’une côte solitaire, presque inabordable à cause des récifs, le château de Touffedelys semblait avoir été placé là, comme avec la main, en prévision de ces guerres de partisans à moitié éteintes et que nous essayions de rallumer ! Tout ce qui avait résolu de reprendre et de continuer cette malheureuse guerre interrompue, tout ce qui repoussait dans son âme d’oppressives pacifications, tout ce qui pensait que des combats de buisson et de haie pouvaient mieux réussir qu’une guerre de grande ligne, devenue d’ailleurs impossible, tous ceux enfin qui voulaient brûler une dernière cartouche contre la Fortune, l’ignoble et lâche Fortune ! et s’enterrer sous leur dernier coup