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de mon pied mignon, le porter au bonhomme Lambert de Grenthéville, qui s’occupait alors d’histoire naturelle, il me jura, malgré tout ce que je pus lui dire de la plate mort de la bête, et sur son honneur de savant, ce qui n’était pas pour moi, du reste, chose aussi vénérable que le reliquaire de Saint-Lô, oui, il me jura que c’était bien là le dauphin dont les Anciens nous ont tant parlé ! En fait de dauphin, voilà, l’abbé, ce que j’ai jamais vu de ma vie, et tu as diablement raison (diablement était l’adverbe favori du baron de Fierdrap), si tu entends par là quelque chose de rare. Quant aux amours fidèles, c’est différent… et plus commun… quoiqu’il n’en pleuve pas non plus des potées ; et qu’à ce filet-là comme aux autres, le temps ôte chaque jour quelque maille, par où le poisson le mieux pris ne manque jamais de décamper !

— Eh bien, sceptique, reprit l’abbé, sceptique au cœur des femmes ! en voici une qui soufflettera aussi tes observations et tes connaissances… comme si tu étais un Ancien ! L’histoire de mademoiselle Aimée se mêle à l’histoire de ma sœur comme une guirlande de cyprès s’enlace à une branche de laurier. Écoute et profite ! et ne suspends pas plus longtemps un récit que tu as demandé toi-même, et que tu oublies à parler poisson, ô le plus incorrigible des pêcheurs !