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au bout de laquelle il tressautait vigoureusement, comme s’il n’avait pas eu un croc dans la tête, de la profondeur de deux doigts ! De ma vie ni de mes jours, je n’avais eu un pareil poisson dans ma nasse ; non, par Dieu et ses apôtres, qui étaient pêcheurs ! ni le père Le Goupil, ni M. Caillot, ni M. d’Ingouville, ni aucun des membres de notre club des Pêcheurs de la Douve, non plus !

Je restai d’abord un peu ébahi quand je l’aperçus ; mais bientôt je le couchai mollement sur l’herbe, et je me mis à braquer sur lui mes deux lanternes, — et il fit un geste en montrant ses deux yeux qu’il cligna, — j’avais retenu de mes livres de classe que le dauphin se teignait, à l’heure de la mort, de toutes les nuances de l’arc-en-ciel, et j’étais curieux de voir cela. Mais c’est probablement une de ces bourdes comme nous en ont faites si souvent messieurs les Anciens. As-tu jamais pu croire aux Anciens, toi, l’abbé ?… et à leur Pline ?… et à leur Varron ?… et à leur pince-sans-rire de Tacite ?… tous drôles qui se moquent de nous à travers les siècles, mais à qui du moins l’histoire de mon poisson allongea un bon soufflet de plus ; car, mon cher, il mourut aussi bêtement qu’une huître hors de son écaille… sans plus changer de couleur que la première tanche ou le premier brochet venu ! Et cependant quand j’allai,