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Oui, elle était charmante, quoique, hélas ! aussi sans jeunesse ! Mais parmi tous ces vieillards plus ou moins chenus, sur ce fond de chevelures blanchies, étagées autour d’elle, elle ressortait bien et elle se détachait, comme une étoile d’or pâli sur un glacis d’argent, qui en aurait relevé l’or. De belle qu’elle avait été, elle n’était plus que charmante, car elle avait été d’une beauté célèbre dans sa province et même à Paris, quand elle y venait avec son oncle, le colonel Walter de Spens, vers 18…, et quand elle accaparait, en se montrant au bord d’une loge, toutes les lorgnettes d’une salle de spectacle. Aimée Isabelle de Spens, de l’illustre famille écossaise de ce nom, qui portait dans son écu le lion rampant du grand Macduff, était le dernier rejeton de cette race antique, venue en France sous Louis XI et dont les divers membres s’étaient établis, les uns en Guyenne et les autres en Normandie. Sortie des anciens comtes de Fife, cette branche de Spens qui, pour se distinguer des autres branches, ajoutait à son nom et à ses armes le nom et les armes de Lathallan, s’éteignait en la personne de la comtesse Aimée-Isabelle, qu’on appelait si simplement mademoiselle Aimée dans le salon des Touffedelys, et devait mourir sous les bandeaux blancs et noirs de la virginité et du veuvage, ces doubles bandelettes