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— Mais cela a été tout ! fit l’abbé ; — et il s’assit dans le fauteuil qui lui tendait les bras. — Je n’ai plus rien vu, rien entendu, et je m’en suis venu jusqu’ici dans une espèce d’horreur de cette apparition étrange. Je ne me rappelle pas avoir éprouvé rien de pareil depuis le jour où, en Sorbonne, je fis gageure d’aller tranquillement planter un clou, à minuit, sur la tombe d’un de nos confrères, enterré de la veille, et qu’en me relevant de cette tombe, où je m’étais agenouillé pour mieux enfoncer mon clou, je me sentis pris par ma soutane…

— Jésus ! firent les deux Touffedelys par le même procédé de voix et d’émotion jumelles.

— C’était toi qui l’avais clouée ! dit le baron de Fierdrap. Je connais l’histoire ! Si ton revenant de ce soir ressemble à l’autre…

— Fierdrap, tu plaisantes trop maintenant ! dit le majestueux chanoine, avec un ton qui rendit toute autre plaisanterie impossible.

— Ah ! si tu le prends ainsi, l’abbé, je redeviens sérieux comme un chat qui boit du vinaigre… et du vinaigre versé par toi ! Mais, voyons, raisonnons, tâchons de voir clair, malgré ta lanterne soufflée… Pourquoi Des Touches serait-il à Valognes, par cette nuit, sous cette apparence misérable ?…

— Il doit être fou, dit froidement M. de Percy, parlant sa pensée comme s’il avait été seul… Il