Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le front, le nez, qu’il avait busqué et immense, un nez de grande maison, les joues, le menton, tout était de cette magnifique teinte cardinalice, qui ne contrastait dans ce visage, fiévreusement taillé à l’ébauchoir, mais saisissant d’expression, qu’avec le bleu des yeux, un bleu fantastique, perlé, scintillant, acéré ; un bleu qu’on n’avait vu étinceler nulle part, sous les sourcils de personne, et auquel un peintre de génie, qui ne l’aurait pas vu, croirait seul !

Les yeux de l’abbé de Percy n’étaient pas des yeux : c’étaient deux petits trous ronds, sans sourcils, sans paupière, et la prunelle de ce bleu, impatientant à regarder (tant il était vif !), était si disproportionnée et si large, que ce n’était pas l’orbe de la prunelle qui tournait sur le blanc de l’œil, mais la lumière qui faisait une perpétuelle et rapide rotation sur les facettes de saphir de ces yeux de lynx… Les verra-t-on d’ici, ces yeux-là ?… Mais quand on les avait vus en réalité, on ne pouvait plus les oublier. Ce soir-là ils pétillaient, semblait-il, encore plus qu’à l’ordinaire, en regardant les curieuses que l’abbé, toujours debout, affolait par l’affectation de son silence. Au lieu de répondre aux questions haletantes de mesdemoiselles de Touffedelys, il passait, selon son usage, sa langue de gourmet sur ses lèvres