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Vêtues toujours des mêmes couleurs, se ressemblant beaucoup, de la même taille et de la même voix, c’était comme une répétition dans la nature que ces demoiselles de Touffedelys.

En les créant presque identiques, la vieille radoteuse avait rabâché. C’étaient deux Ménechmes femelles qui auraient pu faire dire aux moqueurs : « Il y en a au moins une de trop ! » Elles ne le trouvaient point, car elles s’aimaient ; et elles se voulaient en tout si semblables, que mademoiselle Sainte avait refusé un beau mariage, parce qu’il ne se présentait pas de mari pour mademoiselle Ursule, sa sœur. Ce soir-là, comme à l’ordinaire, ces routinières de l’amitié avaient dans leur salon une de leurs amies, noble comme elles, qui travaillait à la plus extravagante tapisserie avec une telle action, qu’elle semblait se ruer à ce travail, suspendu tout à coup par l’arrivée de son frère, l’abbé. Fée plus mâle, aux traits plus hardis, à la voix plus forte, celle-ci tranchait par la brusquerie hommasse de toute sa personne sur la délicatesse et l’inertie de ces douces Contemplatives, de ces deux vieilles chattes blanches de la rêverie, sans idées, qui n’avaient jamais été des Chattes Merveilleuses. Ces pauvres vierges de Touffedelys avaient eu le suave éclat de leur nom dans leur jeunesse ; mais elles