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il l’arrêta net dans son passage ! Ce fut si magnifique de force, que nous nous écriâmes…

Il tenait toujours son aile avec ses deux mains.

— On vous cite, monsieur Juste Le Breton, lui dit-il, comme un des plus forts poignets de tout le Cotentin. Eh bien, seriez-vous homme à me tenir une seule minute cette aile de moulin que je viens d’arrêter ?… »

Juste ne résista pas. Des Touches le saisissait par son amour, son idolâtrie de sa force, par cet enivrement de la Force dont il a été puni plus tard en tombant sous une blessure de rien… Juste prit avec orgueil l’aile du moulin des mains du chevalier, et, sous le coup de cette rivalité qui décuple les forces humaines, il la contint ! Il la contint pendant le temps que Des Touches lia avec sa ceinture le meunier qu’il avait couché sur toute la longueur de cette aile, laquelle, dès qu’elle ne fut plus contenue, reprit son grand mouvement, mesuré et silencieux,

Ah ! c’était là un carcan étrange ! n’est-il pas vrai, baron ? une exposition comme on n’en avait jamais vue que cet homme lié sur son aile de moulin, qui tournait toujours ! Le mouvement, l’air qu’il coupait en décrivant ainsi dans les airs le grand orbe de cette aile, qui l’y faisait monter tout à coup pour en redescendre, et en