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dit Juste. Je ne suis pas surpris que Des Touches lui-même s’y soit trompé ! »

Cependant le pizzicato continuait, incertain, vague, endormi, et perceptible seulement à cause du profond silence de cette après-midi d’été et de ce moulin, qui semblait tourner dans le vide ! Il y avait vraiment de quoi vous faire partager cette sensation de somnolence dans laquelle évidemment se trouvait plongé ce meunier invisible, qui rêvait de jouer plutôt qu’il ne jouait !

C’est à ce moment d’une sensation unique pour moi, monsieur de Fierdrap, quand je pense à ce qui l’a suivi, que Des Touches, que nous attendions avec impatience, parut seul sur la piètre pelouse de cette hauteur. Il devançait les dix autres des Douze, mais il vit que nous étions là, Juste Le Breton et moi. Il nous fit le signe du silence. Il était sans armes et il avait les mains vides. Depuis que nous l’avions quitté, il n’avait pas arraché dans une haie de quoi se faire seulement un bâton !

Il ouvrit la porte au loquet du moulin et entra… Nous n’entendîmes plus le pizzicato… cela s’arrêtant comme une montre qui faisait, il n’y a qu’une minute, tac, tac, et qui ne va plus…

— Eh bien, ni toi non plus ! dit l’abbé à sa sœur, qui s’était arrêtée, humant l’impression qu’elle produisait, car elle voyait bien qu’elle en produisait une sur M. de Fierdrap et sur