Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/211

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’ajouter le honni soit qui mal y pense, car avec les grâces de ma personne, qui pouvait mal penser de moi ? Juste me disait en marchant :

— Que va-t-il faire, le chevalier Des Touches ? Il a les outrages de deux emprisonnements accumulés sur un cœur diablement altier. »

Juste, comme moi, s’intéressait à Des Touches, parce qu’il ne voyait en lui que ce que j’y voyais uniquement, l’homme de guerre, indifférent à tout ce qui n’était pas la guerre et ses farouches ambitions !

— Ils l’ont pris par trahison, continuait Juste. Il a été livré aux Bleus, mais quand ? et comment ? et à quel moment ? Car Des Touches, c’est la vigilance et c’est l’insomnie ! »

Nous étions si préoccupés de ce qui allait suivre, que nous remontâmes, sans nous apercevoir de la longueur du chemin, les pentes de la hauteur où se trouvait perché le Moulin bleu, comme on l’appelait dans le pays. En proie au magnétisme de la curiosité, de l’idée fixe, du lieu qu’on n’a pas vu et qu’on veut voir, attirés par ce lieu, presque aspirés, comme un enfant qui tombe dans la vague du bord est aspiré par la mer, nous arrivâmes les premiers au lieu du rendez-vous, et nous nous tînmes, à quelque distance du moulin à vent