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patient, qui m’étonne toujours beaucoup, moi, et il y ajouta celle d’un horloger, qui m’est, pour celle-là, tout à fait incompréhensible ! Ce fut dur, mais il y parvint. Il s’en tira à son honneur. Mais la peine que cela lui coûta marqua tellement dans sa vie, à ce pauvre diable de Couyart, que depuis ce temps-là quand il voulait parler ou d’un raccommodage compliqué dans ses horlogeries, ou de quelque chose de prodigieusement difficile en soi, il disait invariablement toujours : « C’est difficile, ça, comme de scier les fers de Des Touches ! »

Tout cela est à présent bien loin de nous, monsieur de Fierdrap, et le temps, qui a mis son éteignoir sur nos jeunesses, a si bien éteint l’éclat que nous avons eu et le bruit que nous avons fait dans les jours lointains d’autrefois, que cette locution de Couyart « difficile comme de scier les fers de Des Touches, » cette locution qui passe pour un tic de langage du pauvre homme, personne ne sait plus ce qu’elle veut dire ; mais nous trois, Ursule, Sainte et moi, nous le savons !

Ce n’était pas la première fois qu’une note mélancolique vibrait dans l’histoire de cette noble vieille fille, d’ordinaire si peu mélancolique ; mais ce n’était là jamais qu’une note qui passait vite dans ce récit, animé par la gaieté d’un cœur si vaillant.