Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/191

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tout cela serait trop long ! Nous sommes pressés, nous vous enlèverons avec vos fers ! »

Et comme il avait été dit, il fut fait, baron de Fierdrap ! Trois d’entre nous le prirent sur leurs épaules et l’emportèrent, comme sur un pavois !

Nous roulâmes sur la dalle de cette prison, à la place de Des Touches, le geôlier auquel nous laissâmes la vie, mais que, par prudence, nous enfermâmes à double tour dans le cachot. Je mets plus de temps à vous conter toutes ces choses que nous n’en mîmes à les exécuter. Les zigzags de l’éclair ne sont pas plus rapides. Nous retraversâmes les trois grandes cours, toujours solitaires ; mais à la rue…, à la rue, le danger allait recommencer !

Et cependant tout était au mieux ! Nous tenions Des Touches ! La lune n’était plus qu’un œil vide. Elle tachait le ciel au lieu de l’éclairer, et le brouillard commençait à mettre, entre les objets et nous, comme une espèce de voile de soie… Les profils des maisons fondaient dans la vapeur. Nous reprîmes les rues que nous avions suivies déjà, toujours sans rencontrer personne ! Hasard prodigieux ! C’était presque de la féerie ! Cette ville, immobile dans son sommeil, semblait enchantée. Quand nous repassâmes dans la rue de la bonne femme qui vidait sa cuvette, elle était encore à la même