Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/170

Cette page a été validée par deux contributeurs.

devenus pâles, car je vous l’ai déjà dit, monsieur de Fierdrap, tous l’aimaient… avec un espoir fou ou sans espoir… mais tous l’aimaient ; et je crois vous l’avoir dit encore, sa cousine madame de Portelance m’a assuré qu’ils avaient tous demandé sa main.

Quand elle avait fini de parler, j’avais regardé M. Jacques. Vous savez ! il ne me plaisait pas. Mais, dans ce moment-là, j’en fus contente ; sa physionomie était indescriptible. Dieu m’est témoin que si elle lui avait mis une couronne de roi sur la tête, il n’aurait pas eu l’air plus fier !…

Surpris, plus surpris qu’eux, il s’était levé avec les autres, et il alla, en chancelant, à elle…

— Voici ma main qui est à vous ! lui dit-elle en la lui tendant.

Peut-être serait-il tombé de joie et d’orgueil à ses pieds, mais il se retint à cette main.

— Soyez témoins, messieurs, dit-elle, encore plus touchante et plus majestueuse à chaque mot, que moi, Aimée-Isabelle de Spens, comtesse de Spens, marquise de Lathallan, ici présente, je prends aujourd’hui pour époux et pour maître M. Jacques, actuellement soldat au service de Sa Majesté notre Roi. Forcée par la nécessité de ces tristes temps, qui n’ont