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les murs de la cour, et se prolongèrent avec la mélancolie désolée qui caractérise le hurlement des chiens dans la nuit. Ce long pleur, monotone et désespéré des chiens, qui essayèrent de fourrer leur nez et leurs pattes sous la colossale porte cochère, comme s’ils avaient senti sur la place quelque chose d’insolite et de formidable, cette noire soirée, ce vent dans la pluie, cette place solitaire, qui n’était pas grande, il est vrai, mais qui, de riante qu’elle était autrefois, quand elle ressemblait à un square anglais, avec ses arbres plantés en carré et ses blanches balises, était devenue presque terrible, depuis qu’en 182.. on avait dressé au milieu une croix sur laquelle, colorié grossièrement, se tordait, en saignant, un Christ de grandeur naturelle ; tous ces accidents, tous ces détails pouvaient réellement impressionner le passant aux sabots, qui marchait sous son parapluie, incliné contre le vent, et dont l’eau qui tombait frappait la soie tendue de ses gouttes sonores, comme si elles eussent été des grains de cristal.

Supposez, en effet, que ce passant inconnu fût une personne d’une imagination naïve et religieuse, une conscience tourmentée, une âme en deuil, ou simplement un de ces êtres nerveux, comme il s’en rencontre à tous les étages de l’amphithéâtre social, on conviendra