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pas au succès de l’enlèvement du chevalier ?… » Et il lui répondit en regardant Aimée, comme si cela expliquait tout : — « Pardon, mademoiselle ; je crois très-fort à l’enlèvement de Des Touches, mais je suis sûr que j’y mourrai. — Alors pourquoi y allez-vous ? lui dis-je. Car après tout ce qu’il avait fait et qu’on racontait de lui, dans le Maine, il n’y avait pas à douter de sa grande bravoure. Mais je me sentis coupée par le ton qu’il prit, et je me souviendrai toujours de l’expression de sa figure, quand il me répondit : — « Mademoiselle, c’est une raison de plus ! »

— Eh bien, reprit mademoiselle de Percy, ce pressentiment de M. Jacques, qui fut un avertissement de sa destinée, ce pressentiment dont j’aurais haussé les épaules alors, et auquel j’ai bien pensé sérieusement depuis, Aimée ne le partagea pas, et elle crut, sans doute, qu’elle pourrait le lui ôter du cœur en réalisant, comme elle fit ce soir-là, l’idée qui devait le plus enivrer un homme épris comme il l’était, et lui faire oublier toutes les chances de l’avenir dans la minute présente, qui lui apportait un tel bonheur ! À partir du jour où elle nous avait appris, avec la simplicité d’un amour si résolu et si dévoué dans une âme aussi pudique que l’était la sienne, que sa foi était engagée à M. Jacques, tout avait été dit et