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Pour recommencer demain, comme l’avait dit M. Jacques, il fallait avoir des nouvelles de Des Touches. Il n’en venait aucune à Touffedelys. Une femme inspire moins de défiance qu’un homme. Je proposai à ces messieurs d’aller à Avranches en chercher.

Ils acceptèrent, et j’y allai, monsieur de Fierdrap. Je n’étais pas novice, je vous l’ai dit ; j’avais bien des fois porté des dépêches aux chefs des différentes paroisses, sous toutes sortes de déguisements. Pour me mêler mieux aux gens de la ville et pour détourner tout soupçon, je me déguisai en femme du peuple. Je passai un déshabillé de droguet. Je posai sur mes cheveux, qui, depuis la guerre, ne connaissaient plus qu’une espèce de poudre, — celle avec laquelle on frise l’ennemi ! — cette coiffe des Granvillaises, qui ressemble à une serviette pliée en quatre qu’on se plaquerait sur la tête. On mit des hottes sur une de nos juments poulinières, et un panneau couvert de peau de veau avec son poil ; et, assise de côté là-dessus, un de mes pieds en sabots dans une de mes hottes, l’autre pendant sur le cou de ma jument, je m’en allai vers Avranches d’un bon trot d’allure. J’avais, pour les vendre au marché, mes hottes pleines de beaux pains de beurre, enveloppés dans des feuilles de vigne. Vous parliez de mon caleçon de velours rayé,