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l’heure d’aller à Des Touches et de rejoindre Vinel-Aunis… Aussi, avec la souplesse du chat sauvage, se glissa-t-il, en rampant, à travers les jambes de ces hommes qui ne faisaient guère attention, dans ce moment-là, qu’au jeu terrible de leurs mains, et, comme un plongeur qui disparaît à un endroit de l’eau pour ailleurs reparaître, il se retrouva assez loin de l’espace où l’on se battait, et dans une tourbe, à cet endroit-là, moins ardente qu’épouvantée. Comment passa-t-il ? Il avait jeté son grand chapeau, à couverture à cuve, qui l’aurait gêné ; mais comment ne fut-il pas reconnu à sa vareuse sanglante, tué, mis en pièces ? Lui-même n’a jamais su le dire. Il ne le savait pas, et cela doit paraître incroyable. Mais vous avez fait la guerre, baron, et à la guerre, ce qui est incroyable arrive tous les jours. Fascination de la terreur ! Quand il se releva dans cette foule qu’il avait traversée en s’aplatissant, on se mit à fuir devant cet homme qui lui-même semblait fuir, et dans le pêle-mêle de la place, il put parvenir à la prison où Vinel-Royal-Aunis avait dû préparer la délivrance de Des Touches ; mais à la prison, au pied de la prison, il trouva… les Bleus.

Oui, c’étaient les Bleus !

Voyant qu’ils ne pouvaient ni s’avancer ni manœuvrer dans ce champ de foire, plein à