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cela, Louis XIV ! c’est moi qui te le certifie, Fierdrap, moi, qui suis un ancien docteur de Sorbonne ! La foi sincère a souvent de ces familiarités avec Dieu, que des sots prennent pour des irrévérences ridicules, et des âmes de laquais ou de philosophes pour de l’orgueil. Laissons jaboter ces gens-là. Mais entre nous autres gentilshommes, à qui le respect pour le roi n’a jamais ôté, que je sache, l’aisance avec le roi…

— C’est toi qui interromps maintenant ! fit M. de Fierdrap, enchanté de rendre sa petite leçon à l’abbé et de lui couper sa théorie ; laisse donc ta théologie et ta Sorbonne, et vous, mademoiselle, ajouta-t-il avec une déférence flatteuse, puisque c’est pour moi particulièrement que vous racontez cette histoire, je vous écoute de mes deux oreilles, et je regrette de n’en avoir pas quatre à vous offrir ; daignez continuer !

Elle fut flattée et se panacha, et les ciseaux ayant un peu battu aux champs sur le guéridon de vieille laque, elle reprit :

— Aimée rentra bientôt dans sa pâleur d’âme en peine. Elle devait, en effet, plus souffrir que nous pendant les trois jours qui suivirent le départ des Douze. Nous ! nous n’avions pour les Douze, et même pour le chevalier Des Touches, que le genre d’affection et de sympathie qu’on a, quand on est femme et jeune, pour de nobles jeunes hommes dévoués à leur