Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/115

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le sobriquet de bataille, ils avaient tous aussi leur nom de guerre, pour cacher leur véritable nom et ne pas faire guillotiner leurs mères ou leurs sœurs, restées à la maison, et trop vieilles ou trop faibles pour faire, comme moi, la guerre avec eux.

En entendant ces noms, qui n’étaient pas tous des noms nobles cependant, prononcés par un sentiment si profond qu’il donnait presque à cette vieille fille, coiffée de son baril de soie jaune et violet, la majesté d’une Muse de l’histoire, l’abbé de Percy et M. de Fierdrap eurent, d’instinct de sang, le même mouvement de gentilshommes. Ils ne pouvaient pas se découvrir, puisqu’ils étaient tête nue, mais ils s’inclinèrent à ces noms d’une troupe héroïque, comme s’ils avaient salué leurs pairs.

— Par la pêche miraculeuse ! clama le baron de Fierdrap, il me semble que j’en connais plusieurs, de ces noms-là, mademoiselle ! Et même, — ajouta-t-il, tombant dans la rêverie et comme cherchant dans le fouillis de ses souvenirs, — et même aussi je crois avoir rencontré, je ne sais plus trop où, plusieurs de ceux qui les portèrent. La Varesnerie, Cantilly, Beaumont, je les ai connus. Seulement lorsque je les ai rencontrés, ni allusion, ni mot d’eux ou de personne ne m’a averti une seule fois que j’avais là, devant moi, de ces hardis partisans qui