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dessous de lui-même dans cette entrevue, oubliant ses prétentions de gentilhomme accompli, ne se souvint pas même des devoirs que l’hospitalité impose à ceux qui la reçoivent, et Brummell, qui s’attendait à opposer Dandysme à Dandysme, répondit à l’air de la bouderie par cette élégante froideur qu’il portait sur lui comme une armure et qui le rendait invulnérable[1].

De tous les clubs de l’Angleterre, c’était précisément ce club Watier où la fureur du jeu dominait le plus. Il s’y passait d’affreux scandales. Ivres de porto gingembré, ces blasés, dévorés de spleen, y venaient chaque nuit cuver le mortel ennui de leur vie et soulever leur sang de Normands, ― ce sang qui ne bout que quand on prend ou qu’on pille, ― en exposant sur un coup de dé les plus magnifiques fortunes. Brummell, on l’a vu, était l’astre de ce fameux club. Il ne l’aurait point été s’il ne

  1. Qui le faisait croire invulnérable serait peut-être mieux dit. Mais le beau soupir de Cléopâtre dans Shakspeare : « Ah ! si tu savais quel travail c’est que de porter cette nonchalance aussi près du cœur que je la porte ! » est étouffé dans la poitrine des Dandys. Ces stoïciens de boudoir boivent dans leur masque leur sang qui coule, et restent masqués. Paraître, c’est être pour les Dandys, comme pour les femmes.