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motiver une disgrâce, les cent mille coups de dard d’aspic lancés par Brummell de sa façon la plus légère contre les affections du Régent. Ce que le mari de Caroline de Brunswick avait toléré, l’amant de madame Fitz-Herbert, de lady Conyngham, ne devait pas le supporter[1]. Et l’eût-il supporté encore, le favori eût-

  1. L’influence et même la plaisanterie de Brummell furent pour beaucoup dans l’éloignement du prince de Galles pour Caroline de Brunswick. On sait que cette fameuse première nuit de noces, passée par le prince sur un tapis au coin du feu, pendant que sa jeune femme l’attendait sous les plumes d’autruche du nid nuptial, avait été précédée d’un souper avec les Dandys. Ces hommes positifs n’aimaient pas le vaporeux sentimentalisme qui se matérialisa un peu depuis, mais qu’apportait alors Caroline dans ses bagages d’Allemande ; et d’ailleurs elle était la femme légitime dans le pays du bonheur conjugal officiel et des verseuses de thé ! Or, le Dandysme, qui aime l’imprévu et déteste la pédanterie des vertus domestiques, doit mieux aimer tous les malheurs par les maîtresses, que l’imperturbable bonheur public de lord et de lady Grey, par exemple, si vanté par Mme de Staël. Les Dandys, qui coudoient ces bonheurs légaux en Angleterre, n’ont pas et ne peuvent pas avoir les opinions de Mme de Staël, qui ne les rencontrait guère dans les salons de Paris. Ce qui fait la poésie, c’est la distance, et il faut bien que l’imagination ait toujours sa chimère à caresser ; mais quand la femme qui se peignit dans Corinne, qui aima D…, qui aima C…, qui aima T…, caresse celle-là, elle est moins dans la vérité du cœur et de l’imagination que les Dandys, et