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tomba, emportant avec lui, dans sa perfection, une chose qui, depuis lui, n’a plus reparu que dégradée. Le Turf hébétant a remplacé le dandysme. Il n’y a plus maintenant dans le High life que des jockeys et des fouetteurs de chiens[1].

  1. Il y a eu d’Orsay. Mais d’Orsay, ce lion dans le sens de la fashion, et qui n’en avait pas moins la beauté de ceux de l’Atlas, d’Orsay n’était pas un Dandy. On s’y est mépris. C’était une nature infiniment plus complexe, plus ample et plus humaine que cette chose anglaise. On l’a beaucoup dit, mais sans cesse il faut y revenir : la lymphe, cette espèce d’eau dormante qui n’écume que quand la Vanité la fouette, est la base physiologique du Dandy, et d’Orsay avait le sang rouge de France. C’était un nerveux sanguin aux larges épaules, à la poitrine François Ier, et à la beauté sympathique. Il avait une main superbe sans superbe, et une manière de la tendre qui prenait les cœurs et les enlevait ! Ce n’était pas là le shake-hand hautain du Dandysme. D’Orsay plaisait si naturellement et si passionnément à tout le monde, qu’il faisait porter son médaillon jusqu’à des hommes ! tandis que les Dandys ne font porter aux hommes que ce que vous savez, et plaisent aux femmes en leur déplaisant. (Ne jamais oublier cette nuance, lorsqu’il s’agit de les juger). D’Orsay était enfin un roi de bienveillance aimable ; or, la bienveillance est un sentiment entièrement inconnu aux Dandys. Comme eux, il est vrai, il avait l’art de la toilette, non éclatante, mais profonde, et c’est pour cette raison, sans doute, que les Superficiels l’ont regardé comme le successeur de Brummell ; mais le Dandysme n’est pas l’art brutal de mettre une cravate. Il y a même des Dandys qui n’en ont jamais porté.