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prit ne se transborde pas plus d’une langue dans une autre que la poésie qui, du moins, s’inspire de sentiments généraux. Comme de certains vins, qui ne savent pas voyager, il doit être bu sur son terroir. Il ne sait pas vieillir non plus ; il est de la nature des plus belles roses qui passent vite, et c’est peut-être le secret du plaisir qu’il cause. Dieu a souvent remplacé la durée par l’intensité de la vie, afin que le généreux amour des choses périssables ne se perdît pas dans nos cœurs.

On ne citera donc pas les mots de Brummell. Ils ne justifieraient pas sa renommée, et pourtant ils la lui méritèrent ; mais les circonstances dont ils ont jailli, et qui les avaient chargés d’électricité, pour ainsi dire, ne sont plus. Ne remuons pas, ne comptons pas ces grains de sable qui furent des étincelles et que le temps dispersa après les avoir éteints. Grâce à la diversité des vocations, il y a des gloires qui ne sont rien plus que du bruit dans un silence, et qui doivent à jamais alimenter la rêverie, en désespérant la pensée.

Seulement, comment n’être pas frappé de ce vague de gloire tombant sur un homme aussi positif que Brummell, qui l’était trois fois, puisqu’il était vaniteux, Anglais et Dandy ! Comme tous les gens positifs qui ne vivent