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mell avait pour lui, encore plus comme admirateurs que comme rivaux, les ducs d’York et de Cambridge, les comtes de Westmoreland et de Chatham (le frère de William Pitt), le duc de Rutland, lord Delamere, politiquement et socialement ce qu’il y avait de plus élevé. Les femmes, qui sont, comme les prêtres, toujours du côté de la force, sonnèrent, de leurs lèvres vermeilles, les fanfares de leurs admirations. Elles furent les trompettes de sa gloire ; mais elles restèrent trompettes, car c’est ici l’originalité de Brummell. C’est ici qu’il diffère essentiellement de Richelieu et de presque tous les hommes organisés pour séduire. Il n’était pas ce que le monde appelle libertin. Richelieu, lui, imita trop ces conquérants tartares qui se faisaient un lit avec des femmes entrelacées. Brummell n’eut point de ces butins et de ces trophées de victoire ; sa vanité ne trempait pas dans un sang brûlant. Les Sirènes, filles de la mer, à la voix irrésistible, avaient les flancs couverts d’écailles impénétrables, d’autant plus charmantes, hélas ! qu’elles étaient plus dangereuses !

Et sa vanité n’y perdit pas ; au contraire. Elle ne se rencontrait jamais en collision avec une autre passion qui la heurtait, qui lui faisait équilibre : elle régnait seule, elle était