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fut un prince de son temps. Semblable à l’orateur, au grand comédien, au causeur, à tous ces esprits qui parlent au corps par le corps, comme disait Buffon, Brummell n’a qu’un nom, qui brille d’un reflet mystérieux dans tous les Mémoires de son époque. On y explique mal la place qu’il y tient ; mais on la voit, et ce vaut la peine qu’on y pense. Quant à l’étude présente, détaillée, du portrait qui reste à faire, nul homme jusqu’ici n’en a affronté la lutte douloureuse ; nul penseur n’a cherché à se rendre compte, gravement, sévèrement, de cette influence qui répond à une loi ou à un travers, c’est-à-dire à la déviation d’une loi, ― à une loi encore. Pour cela, les esprits profonds n’avaient pas assez de finesse ; les esprits fins, de profondeur.

Plusieurs ont essayé, nonobstant. Du vivant même de Brummell, deux plumes célèbres, mais taillées trop fin, trempées d’encre de Chine trop musquée, jetèrent sur un papier bleuâtre, à tranches d’argent, quelques traits faciles à travers lesquels on vit Brummell. C’était charmant de légèreté spirituelle et de pénétration négligente. Ce fut Pelham, ce fut

    l’esprit et du corps, et l’on ne peint pas des mouvements.