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de l’absoudre. A-t-on lieu de s’en étonner quand on pense au sentiment dont il est question, écrasé depuis dix-huit cents ans sous l’idée chrétienne du mépris du monde, qui règne encore dans les esprits les moins chrétiens ? Et d’ailleurs les gens d’esprit ne gardent-ils presque pas tous dans la pensée quelque préjugé au pied duquel ils font pénitence de l’esprit qu’ils ont ? C’est ce qui explique le mal que les hommes qui se croient sérieux, parce qu’ils ne savent pas sourire, ne manqueront point de dire de Brummell. C’est ce qui explique, plus encore que l’esprit de parti, les cruautés de Chamfort contre Richelieu. Il l’a attaqué avec son esprit incisif, brillant et venimeux, comme on perce avec un stylet de cristal empoisonné. En cela, Chamfort, tout athée qu’il fût, a porté le joug de l’idée chrétienne, et, vaniteux lui-même, il n’a pas su pardonner, au sentiment dont il souffrait, de donner du bonheur aux autres.

Car Richelieu, comme Brummell, ― plus même que Brummell, ― eut tous les genres de gloire et de plaisir que l’opinion peut créer. Tous les deux, en obéissant aux instincts de leur vanité (apprenons à dire ce mot sans horreur) comme on obéit aux instincts de son ambition, de son amour, etc., ils réussirent ;