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ajouta au chagrin de Mademoiselle, mais il exigea qu’elle soignât la sienne, malgré l’affliction dont elle maigrissait. Elle l’aimait avec l’idolâtrie physique sans laquelle il n’y a pas d’amour. (Voir l’histoire charmante du ruban rose à la cravate de Lauzun, à la revue de Flandre, page du VIe volume des Mémoires.) Même après la rupture, la malheureuse ne fut jamais au bout des cruautés inouïes avec lesquelles Lauzun s’attachait, comme avec des clous, ce cœur envoûté par lui. Un jour, le bruit courut qu’elle allait épouser le duc d’York. Il alla chez elle et lui dit : « Si vous voulez épouser le duc d’York, je demanderai au roi de m’envoyer en Angleterre négocier le mariage. » Elle lui répondit sublimement : « Rien qu’à vous ! » Il se jeta à ses pieds du coup de ce mot et y demeura sans rien dire. « Je fus tentée de le relever, dit-elle, mais je surmontai cette envie…, et il se releva seul et s’en alla. » Il partit pour les Flandres, affectant d’oublier de dire adieu à cette femme dont il emportait la vie. Elle le lui reprocha, « mais, dit-elle, je voulais me fâcher contre lui, je le voyais et je n’en avais pas la force ! » Réellement, elle était envoûtée : « J’étais quelquefois, reprend-elle, en disposition de le gronder et de me plaindre, mais il m’en ôtait l’envie par des manières que je