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votre volonté ni à la fortune de M. de Lauzun, mais n’agissez qu’après réflexion. » C’était consentir. Toute la cour apprend cette chose renversante : le mariage de Mademoiselle ! Lauzun a la tenue modeste, presque rougissante, d’un homme épousé comme une jeune fille. « J’ai besoin de toute ma raison, dit-il, pour m’empêcher de perdre la tête. » Quand, le contrat de mariage dressé, tout prêt pour la cérémonie, Lauzun, toujours le Lauzun d’une logique d’humilité insupportable, dit encore à Mademoiselle : « S’il vous prend le moindre dégoût lorsque vous serez devant le prêtre, je vous prie de tout mon cœur de tout rompre » ; et Mademoiselle répondant : « Vous ne m’aimez point. — C’est ce que je ne dirai (fait-il) que quand je serai sorti de l’église. J’aimerais mieux être mort que de vous avoir fait connaître avant ce temps ce que j’ai dans le cœur pour vous… », voilà qu’une immense et subite tristesse tombe sur le cœur, sur le grand cœur de cette fille heureuse ; elle se met à pleurer, sans savoir pourquoi, dit-elle, et, le lendemain, le mariage est rompu par le roi !