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sa conduite respectueuse et soumise, n’avait pas l’air de s’apercevoir de « tout ce qu’elle pensait pour lui ». Toujours princesse, d’ailleurs, au milieu de ces agitations, elle se préoccupe des exemples à trouver dans l’histoire de France des personnes de moindre qualité que Lauzun qui avaient épousé des filles et même des veuves de rois. Elle se rappelle les amours de Corneille et, chose curieuse ! elle envoie chercher à Paris un Corneille, parce qu’elle a vu dans ses Comédies (dit-elle) une espèce de destinée semblable à la sienne. Les œuvres de Corneille arrivées, elle apprend par cœur les vers qu’elle ne se rappelait que vaguement, n’y regardant, ajouta-t-elle, que du CÔTÉ DE DIEU ce que la plupart des hommes y considèrent avec des sentiments profanes. Voici ces vers, très dignes, du reste, de Corneille :

Quand les ordres du ciel nous ont faits l’un pour l’autre,
Lise, c’est un amour bientôt fait que le nôtre.
Sa main entre les cœurs par un secret pouvoir
Sème l’intelligence avant que de se voir !
Il prépare si bien l’amant et la maîtresse
Que leur âme au seul nom s’émeut et s’intéresse.
On s’estime, on se cherche, on s’aime en un moment,
Tout ce qu’on s’entredit persuade aisément,
Et sans s’inquiéter de mille peurs frivoles
La foi semble courir au-devant des paroles !