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glais — le plus terrible égoïsme qui ait existé depuis l’égoïsme romain… De mise, d’originalité — mais nuancée — dans la mise, de prétention de n’être pas comme les autres, quand les autres étaient tous égaux devant Louis XIV ; de sang-froid, de gouvernement de lui-même, d’inattendu dans la conduite (car un des caractères des Dandys, c’est de ne jamais faire ce qu’on attend d’eux), Lauzun fut un Dandy. Il eut la vanité impitoyable, la vanité tigre des Dandys. Rappelez-vous la scène (dans les Mémoires de Saint-Simon) où il met son talon sur la main d’une duchesse — (les talons se portaient hauts sous Louis XIV, comme celui des femmes d’aujourd’hui, 1879) et où il pirouette sur ce talon pour l’enfoncer dans la chair, comme un villebrequin. C’est à faire crier le lecteur, s’il est nerveux… Il y aurait à écrite une belle étude sur Lauzun, si elle n’avait déjà été écrite, mais elle l’a été, et, pour comble de fortune dans la fatuité, elle l’a été par la princesse qui, de toutes les femmes, a le plus follement aimé Lauzun. Ce César Borgia avec les femmes, et entre toutes avec celle-là, ce César Borgia qui en aurait remontré à Machiavel, n’a pas eu besoin d’écrire ses Commentaires comme le grand César… Ils ont été écrits par la femme, sa conquête — une prin-