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fausse[1], et, dans ce sens, que le naturel, bien compromis, il est vrai, mais impérissable.

On l’a dit au commencement de cet écrit : le jour où la société qui produit le Dandysme se transformera, il n’y aura plus de Dandysme ; et comme déjà, malgré son attache à ses vieilles mœurs qui ressemble à un fatal esclavage, l’aristocratique et protestante Angleterre s’est fort modifiée depuis vingt ans, il n’est guère plus que la tradition d’un jour. Qui l’aurait cru, ou plutôt qui aurait pu ne pas le prévoir ? Cette modification s’est produite dans le sens d’une pente invariable. Victime de sa vie historique, l’Angleterre, après avoir fait

  1. À laquelle manque l’instinct des beaux-arts, car il lui manque. Les noms de Lawrence, de Romney, de Reynolds et de quelques autres n’éclairent que mieux cette indigence. Le peuple romain n’était pas artiste parce qu’il avait des joueurs de flûte. L’art n’existe que littérairement en Angleterre. Michel-Ange, c’est Shakspeare. Comme tout est singulier dans ce pays original, le meilleur sculpteur qu’il ait produit était une femme, lady Hamilton, digne d’être Italienne, et qui sculptait, par la pose, dans le marbre du plus beau corps qui ait jamais palpité. Statuaire étrange qui était aussi la statue, et dont les chefs-d’œuvre sont morts avec elle ; gloire viagère qui n’a pas plus duré que les frémissements de la vie et l’ardente émotion de quelques jours ! C’est encore une page à écrire ; mais où prendre la plume de Diderot pour la tracer ?