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souffre, est presque de l’orgueil ; elle devient muette comme la honte. Qui a tenu compte de cela à l’homme frivole ? Ne sachant peut-être comment occuper des facultés désormais inutiles, il se jeta dans une correspondance avec la duchesse d’York, pour laquelle il peignit un écran très compliqué et dont il inventa les figures. À Belvoir, à Oatlands, partout le duc et la duchesse d’York l’avaient comblé ; mais depuis la trahison de la fortune, la duchesse lui avait montré un sentiment qui jette un reflet de sérieuse tendresse sur cette vie brillante et aride[1]. Brummell ne l’oublia

  1. Ce sentiment est singulier. L’amitié n’existe pas entre les femmes (pourquoi la vérité n’est-elle pas toujours originale ?), et un Dandy est femme par certains côtés. Quand il ne l’est plus, il est pis qu’une femme pour les femmes ; c’est un de ces monstres chez qui la tête est au-dessus du cœur. Même en amitié, c’est détestable. Il y a dans le Dandysme quelque chose de froid, de sobre, de railleur et, quoique contenu, d’instantanément mobile, qui doit choquer immensément ces dramatiques machines à larmes pour qui les attendrissements sont encore plus que la tendresse. Dans l’extrême jeunesse, par exemple, l’odieux puritanisme les choque moins. Les jeunes hommes très graves plaisent aux très jeunes personnes. Dupes d’une pose et bien souvent d’un embarras qui se guinde pour n’être pas aperçu, elles rêvent la profondeur devant le vide. Avec un Dandy, devant la légèreté de l’esprit elle rêvent