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s’enflammer de l’étincelle de l’esprit d’autrui, demeurait sans ressource. Rude angoisse que Mme de Staël a sentie ! La pensée qu’il lançait son nom jusqu’à Londres, que les plus pimpants de ce monde qu’il ne hantait plus venaient de temps en temps lui apporter quelque souvenir mêlé d’une curiosité impérissable, ne suffisait plus pour le dédommager de ce qu’il avait perdu. Mais la vanité d’un Dandy, quand elle

    tant de grâce pour que les politesses donnent du plaisir ! Or, les difficultés créent les héros. Mais, à Paris, c’est trop facile que la vie de salon ; c’est entrer et sortir. Les écrivains, les artistes, qui devraient ranimer les sensations dans les autres et du moins avoir toujours sur leur esprit la limaille d’or de leurs travaux, sont dans le monde aussi éteints que les gens médiocres. Fatigués de penser ou de faire semblant toute la journée, ils y viennent le soir se délasser à écouter la musique qui les fait rêver comme des fakirs, ou à prendre du thé comme des Chinois. Je ne connais qu’une exception…

    Brummell vint à Paris ; mais il n’y resta pas. Qu’y eût-il fait ? Il n’avait plus le luxe qui l’aurait rendu charmant, eût-il été bête et laid autant que le prince T..... Il n’avait que des manières dont le sens se perd de plus en plus tous les jours. On n’eût rien compris au passé d’un pareil homme : triste impression pour lui, et pour les autres triste spectacle ! Mme Guiccioli en a donné un pareil, et pourtant c’était une femme, et quand il s’agit d’une femme, il y a toujours du sexe et des nerfs dans nos opinions.