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qu’elle avait surpris, par les fentes d’un volet mal joint, ce que je croyais avoir soustrait à tous les yeux. Esclave d’une jalousie trop forte, elle avait assisté, l’infortunée ! à cette scène d’une nuit passée dans les bras d’une autre. Combien y était-elle restée, sans crier, sans tomber d’angoisse sur cette neige, collée à regarder cette horrible scène qui dut lui déchirer toutes les fibres de son cœur ?… Son délire ne me le dit pas, et quand elle a été arrachée à cette mort qui paraissait certaine, et dont j’aurais été la cause, ô mon Dieu ! sa bouche a gardé un silence qui me fait plus de mal que les plaintes et qu’elle n’a jamais rompu par un seul mot. Oh ! qu’elle dut souffrir dans son amour, dans sa fierté, dans toutes les délicatesses de son âme, pour être ainsi venue épier dans la nuit l’homme qu’elle aimait et en qui elle n’avait plus foi ! Elle avait souvent rencontré Vellini dans les grèves, et sans doute elle avait deviné en cette femme, qu’il est impossible de ne pas remarquer quand on la rencontre, la rivale que lui cachait le destin. Depuis longtemps, d’effrayants soupçons étaient entrés dans son cœur. Elle les y ensevelissait, mais, malgré elle, ils en sortaient… Et moi, qui les voyais ravager intérieurement sa vie, je ne les détruisais pas ! Je n’osais pas même y toucher, tant Vellini régnait impétueusement sur