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un jour lointain du temps passé, le diable s’était battu avec saint Georges, racontaient les vieilles du rivage. Le grand Saint l’avait terrassé sous son cheval de guerre et l’avait atteint d’une blessure immortelle, contre un de ces rocs entr’ouverts. Après le combat, saint Georges était allé, avant de remonter au ciel, planter sa lance sur le tertre où l’on a bâti l’église qui porte son nom. Les antiques légendaires qui racontaient ces choses, montraient à leurs enfants des marbrures rougeâtres qui sillonnaient la pierre bleue du rocher, comme une incrustation du sang du démon, indélébile aux pluies du ciel et à la main des siècles. Vellini était venue plusieurs fois s’asseoir sur une des tables de ces rocs, qui avaient l’air d’un tombeau, et elle avait pénétré par une crevasse, à moitié cachée par les blocs dressés alentour, dans une espèce de souterrain où l’on n’arrivait qu’en rampant, mais où, une fois entré, on pouvait se tenir debout et largement circuler. Il est probable que bien des contrebandiers des environs avaient empilé là plus d’un baril de rhum et plus d’une caisse de foulards anglais. Des gouttes de jour y tombaient par des meurtrières naturelles, trouées dans la pierre, et les bruits du dehors, réduits comme la lumière, y filtraient, diminués comme elle. Jamais antre ne fut mieux destiné, par le jeu des terrains, à cacher des desseins