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Mendoze dont elle avait été témoin, et qui influait aussi sur elle, étendaient à son front une couche de pensées plus noires que la nuit. « Qu’est-il donc arrivé à la Mauricaude ? » avait dit à sa mère Charline cette rieuse jeune fille aux joues arrondies, Bonine, dont Vellini avait parlé dans sa lettre. « Elle est rentrée ce matin, la figure renversée et l’air sournois comme la mer quand elle va grincer aux brisants. » Cette mystérieuse étrangère, dont le teint et les yeux annonçaient une origine lointaine, saisissait l’imagination naïve des filles de ce rivage. Bonine, qui remplaçait un peu Oliva auprès de Vellini, était en perpétuelle curiosité et observation quand il s’agissait de cette maigre Espagnole, dont la vie oisive différait tant de tout ce qu’elle avait pu voir et observer jusque-là.

Elle alluma un grand feu de fagots pour la señora, dans la grande cheminée de sa chaumière. Avec ses poutres mal taillées et ses murs blanchis, c’était une espèce de grange que cet appartement pauvre et nu. Pour tous meubles, il y avait la grosse horloge à poulie, et un bahut en chêne que le temps et la mer avaient poli comme un miroir. Vellini y avait renfermé toutes ses attiferies de femme, ses robes, son linge, d’inséparables bijoux qu’un jour on lui avait apportés de la Haie d’Hectot. On y voyait encore deux chaises grossières, un