Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lettre, apportée par un poissonnier et maculée par sa main squammeuse, l’odeur si longtemps familière à ses sens, le parfum autrefois respiré dans les vêtements, dans les draps du lit, dans les cheveux, dans la peau d’une femme et qu’elle y avait laissé tomber de sa main brûlante, en écrivant : arôme d’elle, tant il avait été mêlé à elle ! senteur humaine où la substance de la femme tenait plus de place que l’autre substance !

Pendant qu’Hermangarde était restée dans le salon, il l’avait lue, cette lettre, ou plutôt il l’avait bue par les yeux, à force de la lire vite, avant que sa femme ne rentrât. Ces lignes, tracées avec du sang, — car Vellini n’avait point trouvé d’encre dans la cabane des pêcheurs où elle s’était retirée, et, pour en faire, elle s’était piqué une veine avec l’épingle de ses cheveux, — la voix qui s’en élevait était si puissante qu’elle fit taire tout à coup, pour Ryno, ces cloches lointaines qui sonnaient sur son cœur la mort de madame de Mendoze.

« Ryno, Ryno, — disait la lettre, — voilà plusieurs jours que tu es tranquille ! Voilà plusieurs jours que la Vellini, ta louve amaigrie, n’a rôdé dans les environs du manoir ! Elle était à la Haie d’Hectot. La comtesse, plus mal, l’y avait mandée, et cette comtesse y est morte avant-hier soir, à la nuit. Elle a passé