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de parfums qu’il vidait sans cesse de la rosée dont il était plein, jetait jusque sur les plus vives caresses de Ryno une mélancolie dont pour Hermangarde le charme triste au moins fut nouveau. Elle en jouit comme d’une volupté macérée. Elle respira avec les langueurs enflammées des Mystiques, cette fleur laissée au rameau d’épines qui lui ensanglantait le sein. Mais esclave des pensées jalouses que la scène de la Vigie entrevue avait fait lever et s’entremêler, vagues et confuses, dans son cœur troublé, elle s’expliqua cette mélancolie, et les explications qu’elle se donna furent de nouvelles tortures pour elle. Avait-elle tort ? N’y avait-il qu’elle dans cette tristesse de Ryno, qui pouvait être le sentiment de la limite dans l’amour heureux et qui donne à ses jouissances trop tôt finies l’ardeur profonde et altérée de je ne sais quel désespoir ? Le passé, une autre femme, la Robe rouge, ce sanglant météore qui avait surgi tout à coup dans le ciel de son bonheur, tout cela n’était-il pour rien dans cette mélancolie, faite peut-être de désirs nouveaux, de remords, de regrets, et, oui ! d’un peu d’amour encore, mais d’amour qui s’en va mourir ? Voilà ce qu’elle se disait avec amertume, en s’enveloppant dans de consumantes rêveries. Le tact prodigieux des femmes qui aiment l’avertissait-il ? Ou Ryno, resté vraiment digne d’elle, n’était-