Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trées, avaient disparu. Sa tête, ses yeux, son âme avaient repris leur bronze accoutumé, et, de tout ce métal, il sortit un son de colère, éclatant et dur.

— « Et si je ne vaux pas partir ! — s’écria-t-elle, en se levant du canon sur lequel elle était assise, image de la Guerre réveillée ! — Si je ne veux pas partir ! s’il me plaît de vivre sur ces rivages, de passer mes jours sur cette falaise, d’aller m’asseoir à la porte de ta maison, me feras-tu chasser par les pêcheurs de la côte, parce que tu as peur, âme timide ! de revenir à Vellini ? Est-ce que tout cela, — dit-elle en traçant un arc de cercle avec sa main dans les airs, pour désigner les vastes espaces qu’ils embrassaient de la plate-forme, — est-ce que tout cela ne m’appartient pas comme à toi ? J’aime ce pays et j’y veux vivre. Si j’y suis de trop, va t’en toi-même ! Quant à moi, — et ses bras s’étendirent comme pour étreindre sa conquête, — j’en prends possession aujourd’hui. »

— « Ne dirait-on pas — reprit-elle, après une pause pendant laquelle il la contemplait de cet ancien regard, plein d’admiration, de douleur, d’impatience, qu’elle lui rallumait aux yeux… peut-être sans qu’il s’en doutât, — que je suis venue ici, comme une mendiante, chercher un regard du souverain qui m’a proscrite ? » Et sa tête, rejetée en arrière, avait la