Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

joug, comme dit l’Imitation, au marquis de Flers, elle qui avait toujours été, en amour, une Princesse des Ursins, sans disgrâce, désespérait de voir naître dans cette poitrine, tabernacle des choses les plus saintes, mais fermée par la Fierté et par la Pudeur, ce Génie de l’intrigue du cœur qui n’empêche pas d’être bien éprise, mais qui empêche parfois d’être trop sincère. Elle sentait amèrement le danger que l’âme qu’elle avait créait à sa fille. Elle ne pouvait croire que la femme à qui appartenait un tel visage, se pliât jamais aux roueries innocentes qui sont à l’amour ce que sont à la dentelle les épingles avec lesquelles on la fait. N’y a-t-il pas des âmes qui par leur grandeur, leur simplicité et les plus adorables réserves, sont fatalement, en bonheur, des maladroites sublimes ? « Pourquoi es-tu toi ? et pourquoi vaux-tu mieux que moi ? » pensait-elle, en regardant Hermangarde dans l’ombre du jour qui tombait. La rafale langoureuse se mêlait à la pluie. La mer, désolée et méchante, y répondait des brisants. Il est des jours où tout est présage. De la fenêtre que la nuit commençait d’emplir, on voyait vaciller les feux des phares, penchés sous le vent. Madame de Flers comprenait mieux, devant ce spectacle, l’inflexibilité des choses créées, contre lesquelles le cœur se brise et ne peut rien. Elle em-