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avait échoué contre elle. Tout avait glissé sur cette âme, lisse de préjugés et qui avait la force de retenir ses préventions. Elle s’était ouvertement déclarée hostile au mariage. Elle aimait Mlle de Polastron comme une nièce. Moins sensible par l’esprit que son amie, restée plus jeune sous ses cheveux blancs, elle se préoccupait davantage des idées communes. Il y avait en Marigny quelque chose qui l’épouvantait. N’ayant d’abord contre cet homme, d’une influence si prodigieuse sur la marquise, que des impressions personnelles et des bruits de salon, elle s’était trouvée presque heureuse d’avoir mis la main sur des faits positifs. Le vicomte de Prosny, le cavalier servant de sa jeunesse, à qui jadis elle avait fait porter chez son bijoutier tant de bracelets dont elle changeait les médaillons, allait avoir de bien autres emplois à présent ! Elle avait projeté de l’envoyer à la découverte des relations qui existaient entre Marigny et une ancienne maîtresse, que lui, Prosny, — avec ces airs de gourmet qu’ont les vieux libertins comme les vieux gourmands, — disait être digne de figurer au premier rang des impures de monseigneur le comte d’Artois.