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marquise. Avec Hermangarde il n’avait besoin d’aucune séduction, d’aucune coquetterie. Elle était soumise à ce magnétisme de l’amour, si absurde et si divin ; car bien souvent, rien dans la personne qui l’exerce ne le justifie. Un homme de cet esprit, de ce jet de conversation si tari maintenant en France, de cet éclat de manières qui rappelait à la douairière de Flers les plus beaux jeunes gens de sa jeunesse, dut l’émerveiller et l’entraîner. Elle raffola bientôt de Marigny. Pendant une année, il alla chez elle tous les soirs. C’était se poser en prétendant à la main de Mlle  de Polastron. Les vicomtesses du noble faubourg crièrent de toute la force de leurs voix de tête contre une telle audace. Mais la marquise, hardie comme une femme du XVIIIe siècle, et qui savait les vrais revenant-bons de la vie, souriait et ne pensait pas qu’un mauvais sujet comme Marigny fût un si mauvais mari pour Hermangarde. Se trompait-elle ? l’avenir le prouvera. À coup sûr, il y avait en Marigny des replis d’âme qu’elle ne voyait pas… de ces profondeurs creusées par un siècle de plus dans l’esprit des générations ; mais la société myope du faubourg Saint-Germain les voyait-elle davantage ? Le bon sens de la marquise, qui n’avait rien de bourgeois, lui disait qu’après tout, dans cette loterie du mariage, les qualités de M. de