Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rieuse dans la mousse d’un verre de Champagne à souper, ni son regard assassin et fripon qui sautait par-dessus l’éventail et faisait faire à la décence toutes les voltiges de la curiosité, ni sa prunelle bleue comme la flamme du punch et brûlante du triple feu grégeois de l’esprit, des sens, de la coquetterie ; car elle avait été une coquette ! Elle l’avait été jusqu’à la fin, toujours, sans repos ni trêve, même avec sa femme de chambre, comme Fénelon qui l’était avec ses valets ; toujours armée, toujours implacable, comme la République Romaine, ne désarmant que quand on s’était humilié et soumis et qu’elle pouvait danser sur le cœur des rebelles la danse du triomphe, une pyrrhique à elle, avec ses mignonnettes mules de satin blanc, aux talons pourpres ! Hermangarde n’avait rien de toute cette beauté inspirée et résonnante comme un instrument de fête, de cette douce fureur invincible, de toutes ces bacchanales d’esprit, de reparties, d’agaceries tentatrices, malheureusement ses seules débauches, disait Chamfort, avec le satyriasis d’un regret de libertin, quand on parlait de cette cruelle et charmante Hermine de Flers, aux orgies du duc d’Orléans. Il y avait en Hermangarde des lueurs bien plus divines que tous ces scintillements lutins, des silences bien plus éloquents que tous ces pétillements