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n’avait souffert depuis que M. de Marigny l’avait abandonnée, mais une force surhumaine lui fit presser et tordre sa douleur autour de son cœur déchiré et courir à Saint-Thomas d’Aquin. Nulle invitation ne lui avait été envoyée… Le noble Marigny, qui n’avait avec elle que les torts involontaires de la nature humaine, aurait regardé comme la plus implacable ironie d’adresser une lettre de faire part à cette femme pour laquelle il ressentait une pitié respectueuse. Il avait eu la délicate pensée de se rappeler à elle en affectant de l’oublier. Il montrait combien le passé tenait de place dans son âme, par l’exception qu’il faisait d’elle parmi tous ces indifférents qu’il conviait au spectacle de son bonheur.

Mais cette généreuse sollicitude fut inutile. Mme de Mendoze avait résolu d’aller secrètement, en voiture sans livrée et sans armoirie, à ce mariage dont les Arsinoé du monde n’avaient pas manqué de lui indiquer le jour et l’heure, et elle accomplit son projet. C’était insensé… car à quoi bon s’attester une fois de plus qu’on est perdue ; que la destinée qui vous tue depuis si longtemps va vous donner son dernier coup ?… Mais qui n’aime pas jusqu’à la folie, n’a jamais aimé comme cette femme aimait.

Elle croyait qu’elle ne serait pas aperçue…