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mollement sur son front pensif ?… Qui sut — si ce n’est lui — l’émotion intérieure qui l’accompagnait à l’autel ?… Comme le jeune homme du rêve de lord Byron, pensait-il alors, sous la coupole étincelante de cette église, qui versait une lumière rosée au col penché de son Hermangarde, à quelque appartement lointain et obscur où jadis il eût serré une main qui n’était pas celle qu’il avait alors dans la sienne ?… Enfin, était-ce l’avenir, était-ce le passé qui assombrissait son visage au moment où il aurait dû rayonner ? Ou, tout simplement encore, était-ce l’oppression d’une félicité trop grande, la mélancolie du bonheur ? Car ils disent, les gens qui ont été heureux, que le bonheur a aussi sa mélancolie.

À côté des mariés, dans un fauteuil semblable aux leurs, mais placé plus bas, la marquise douairière de Flers, en robe de poult de soie carmélite, en mante noire et en mitaines, couvrait de ses yeux maternels, dans lesquels brillaient cent ans de vie, sa petite-fille et Marigny. La joie de son cœur dorait ses rides.

« Regardez-la, vicomte ! — dit Mme  d’Artelles à son ancien Sigisbée en mettant son paroissien ouvert devant sa bouche, pour que la réflexion n’allât qu’à son adresse, — perd-elle la tête, ma pauvre amie ? Elle a l’air plus heureuse qu’Hermangarde. Si elle ne faisait pas